France Fidele
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"Mes doutes sur la liberté religieuse" par Mgr Lefebvre - partie I

Nous voici en 2024 et la plupart des catholiques ont oublié un évènement capital dans l'histoire moderne de l'Eglise Catholique. En effet le 7 décembre 1965, les pères du concile Vatican II votèrent en faveur d'un texte sur la liberté religieuse. Texte qui fut terriblement débattu entre les catholiques libéraux et les catholiques traditionnels. Ce texte voté ouvrait la porte au laïcisme d'état et la reconnaissance de droits sociaux aux fausses religions (judaïsme, islam). Comment ne pas s'étonner alors de voir nos pays de tradition catholique sombrer dans le chaos et l'apostasie ? Aussi Mgr Lefebvre sonna t il l'alarme et essaya de convaincre Rome de l'erreur qu'elle faisait. Nous vous proposerons donc de redécouvrir ce que Mgr Lefebvre écrivait à Rome pour nous rappeler le bon combat que nous devons mener pour le triomphe du Christ Roi.

Abbé Matthieu Salenave
prêtre fidèle à Mgr Lefebvre

Note de l'éditeur


Le présent ouvrage fut préparé et rédigé en 1984 et 1985 par Mgr Marcel Lefebvre, assisté de l'abbé Tissier de Mallerais. Il fut remis en octobre 1985 à la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, présidée par le cardinal Josef Ratzinger. Il fut ensuite édité en 1987 par le séminaire Saint-Pie X d'Écône (Suisse), sous le titre Dubia sur la déclaration conciliaire sur la liberté religieuse présentés à la S.C.R. pour la Doctrine de la Foi par S. Exc. Mgr Marcel Lefebvre, archevêque-évêque émérite de Tulle, fondateur de la Fraternité Sacerdotale ouvrage étant épuisé depuis plusieurs années, il nous semblé utile de le remettre à la disposition du public.
Ce livre de théologie, destiné primitivement à des théologiens dans le cadre d'une discussion théologique, avait été présenté avec un apparat « scolaire » qui en rendait la lecture assez ardue : numérotation complexe, usage fréquent du latin, etc. Pour la présente édition, sans altérer le corps du texte, nous avons cherché à faciliter autant que possible la lecture : allégement de la présentation, traduction systématique des textes latins, etc. Par ailleurs, puisque l'occasion nous en était donnée, nous nous sommes efforcés de vérifier les références, voire de les préciser quand besoin était. Nous espérons rendre ainsi plus aisé l'accès à ce document doctrinal de première importance, pièce essentielle pour comprendre la situation de l'Eglise Catholique depuis le concile Vatican II.

La nécessité intellectuelle et pratique de la « liberté religieuse » est, à bien des égards, devenue une sorte d'évidence pour la plupart de nos contemporains, catholiques ou non. S'opposer à la « liberté religieuse » est à leurs yeux quasi inconcevable, intolérable, scandaleux. Ne pouvant comprendre une telle opposition, ils attribuent ordinairement aux opposants, dont le plus connu fut précisément Mgr Marcel Lefebvre, des motivations étrangères à celles que ceux-ci revendiquent et assument.
En résumé, on dit volontiers des opposants à la « liberté religieuse » qu'ils sont des arriérés, sortis tout droit du Moyen Âge, ne connaissant pas le monde moderne et ayant reçu une éducation passéiste qui leur a inculqué cette opposition bornée. On ajoute que cette opposition à la « liberté religieuse » se maintient grâce à une ignorance des textes de la grande Tradition catholique concernant la liberté chrétienne. On conclut que les opposants à la « liberté religieuse » n'ont aucun sens des réalités contemporaines et rêvent d'une Chrétienté idéalisée, totalement inconcevable aujourd'hui.

Ce jugement sur les opposants à la « liberté religieuse » n'est pas seulement une caricature : il est, plus fondamentalement encore, une erreur radicale sur les enjeux du débat. En effet, la plupart des opposants à la « liberté religieuse » ne sont pas nés dans cette opposition, mais s'y sont ralliés au cours de leur vie, par une conversion intellectuelle. Cette conversion intellectuelle n'est pas le fruit de l'ignorance, mais d'une étude très soigneuse des textes et des doctrines. Loin de méconnaître les réalités contemporaines, les opposants à la « liberté religieuse » sont enfin parfaitement conscients de la distance qui peut exister entre les principes et le possible.

Un texte de Mgr Marcel Lefebvre, parmi bien d'autres, expose sa propre évolution intellectuelle sur ce sujet (bien qu'il le caractérise par la question, connexe, des relations entre l'Église et l'État), ainsi que sa perception des difficultés à faire passer les principes dans une réalisation concrète : « Moi-même, au moment de mon entrée au Séminaire français de Rome (c'était en 1923), si l'on m'avait posé la question de la séparation de l'Église et de l'État, j'aurais répondu : Oui, il doit y avoir une séparation, l'Église et l'État n'ont pas la même fin ; chacun à sa place... Eh bien ! il a fallu que les pères du Séminaire français me fassent découvrir les encycliques, en particulier celles de Léon XIII et de saint Pie X, pour me délivrer de cette erreur. Non, l'Église ne doit pas être séparée de l'État. Du moins en principe, car dans les faits on est souvent obligé de tolérer une situation que l'on ne peut changer. Mais, en principe, l'Église et l'État doivent être unis et travailler ensemble pour le salut des âmes. L'État a été créé par Dieu, il est de création divine, il ne peut donc rester indifférent en matière religieuse » (C'est moi l'accusé qui devrais vous juger Clovis, 1994, p.II).

Pour bien appréhender ce qu'affirment les opposants à la « liberté religieuse », il faut en réalité accepter que le débat porte sur une question de vérité, de vérité doctrinale objective, de vérité valable pour les hommes de tous les temps, de tous les lieux et de toutes les conditions. Tant qu'on esquive la question centrale de la vérité, le débat sur la notion de « liberté religieuse » n'existe tout simplement pas.

Cette question de vérité, au coeur de la question de la « liberté religieuse », peut se résumer en trois interrogations : A-t-il existé avant le concile Vatican II un enseignement magistériel sur la « liberté religieuse» ? Cet enseignement préconciliaire s'accorde-t-il avec l'enseignement du concile Vatican II ? Cet enseignement préconciliaire se présente-t-il avec une force contraignante ?

Le présent ouvrage entend répondre aux deux premières interrogations, avec une clarté d'exposition sans égale, et démontrer la contradiction majeure entre l'enseignement préconciliaire et l'enseignement du concile Vatican II. En revanche, la troisième interrogation n'y est abordée qu'incidemment, parce qu'elle relève d'une autre problématique, celle de l'ecclésiologie.

Sans vouloir en rien résoudre la question, rappelons les deux solutions ordinairement proposées par les tenants de la « liberté religieuse » pour échapper au dilemme. On peut, d'une part, nier toute contradiction entre l'enseignement préconciliaire et l'enseignement du concile. On peut, d'autre part, accepter la contradiction en disqualifiant l'enseignement préconciliaire.

La première solution est celle du concile Vatican II lui-même. Loin de résoudre l'apparente contradiction entre l'enseignement préconciliaire et son propre enseignement par le biais d'un rejet ou d'une élimination de l'enseignement préconciliaire, le concile se contente d'affirmer la validité de l'enseignement préconciliaire, ainsi que la continuité doctrinale de la doctrine conciliaire avec lui. Dignitatis humanx (1, 3) déclare, en effet : « [Cette doctrine de] la liberté religieuse (...) ne porte aucun préjudice à la doctrine catholique traditionnelle sur le devoir moral de l'homme et des sociétés à l'égard de la vraie religion et de l'unique Église du Christ. » C'est la thèse du « développement doctrinal homogène dans le Magistère authentique », présentée en particulier par l'ouvrage du père Basile Valuet, La liberté religieuse et la tradition catholique (éditions Sainte-Madeleine, 1999, six volumes).

D'autres voix se sont pourtant élevées dans l'Église, depuis 1965, pour affirmer que l'opposition, assez manifeste, entre l'enseignement préconciliaire et l'enseignement du concile impliquait tout simplement une mise à l'écart de l'enseignement préconciliaire. Citons pour mémoire deux textes du père Yves Congar : « On ne peut nier que la Déclaration sur la liberté religieuse ne dise matériellement autre chose que le Syllabus de 1864, etI même à peu près le contraire » (La crise dans l'Église et Mgr Lefebvre, Cerf, 1976, p. 51). « Il est clair que le Décret sur l'oecuménisme dit sur plusieurs points autre chose que l'encyclique de Pie XI Mortalium animos, de même que la Déclaration sur la liberté religieuse dit le contraire de plusieurs articles du Syllabus de Pie IX, de même que Lumen gentium (16 et Ad gentes 7) disent autre chose que Extra Ecclesiam nulla salus au sens où on a entendu, pendant des siècles, cet axiome faussement clair » (Essais cecuméniques, Centurion, 1984, p. 85).

Dans une lettre du 19 mars 1999 à son clergé, Mgr Jean-Charles Thomas, évêque de Versailles, a exprimé de manière assez détaillée cette façon de « dépasser » l'opposition entre l'enseignement préconciliaire et l'enseignement du concile par l'élimination pure et simple de l'enseignement préconciliaire.

« Pour Mgr Lefebvre, écrit-il, il y a eu un tournant dans l'Église, un changement. Rien n'est plus exact : les citations du cardinal Ratzinger ou du père Congar le soulignent. Elles rejoignent l'intime conviction que partagent chrétiens et prêtres de l'Église catholique. La vraie question demeure : Ce véritable changement fut-il une trahison ou un retour vers une plus grande fidélité à la Tradition ? Sur ce point, nos réponses divergent totalement... parce que nous ne partons pas des mêmes références. Pour Mgr Lefebvre et ses proches, les références fondatrices et les bases de la fidélité catholique ont été exprimées entre 1850 et 1950 par quelques papes, et elles sont sélectionnées dans quelques-uns de leurs écrits. Pour nous, les références fondatrices et les bases de la fidélité catholique se trouvent dans la Révélation que Dieu a faite aux hommes (...) dont l'Esprit-Saint ne cesse de faire revivre le sens à travers les écrits inspirés et une vivante Tradition déjà longue de vingt siècles. (...) Cette Tradition a convaincu les évêques de Vatican II, les conduisant à renouer avec un large passé, avec la Révélation biblique, avec l'Église des Apôtres et des Pères, l'Église indivise des premiers siècles, avec le souci du salut du monde, avec la spiritualité des grands saints fondateurs. Cette Tradition-là, seule, mérite d'être écoutée, suivie. »

Pour Mgr Thomas (et beaucoup d'autres avec lui), s'opposeraient donc « la tradition d'un seul siècle » et « la grande et longue Tradition », comme il les nomme.

Mgr Lefebvre aurait ainsi raison si l'on se référait à cette « tradition d'un seul siècle », mais le concile aurait précisément rompu avec elle pour renouer avec « la grande et longue Tradition ». Toutes les références au Magistère préconciliaire, donc toutes les démonstrations du présent livre, seraient alors frappées d'obsolescence radicale.
Comme nous l'avons dit, ces affirmations participent d'un débat ecclésiologique majeur que nous ne pouvons entamer ici. Un simple exemple manifestera cependant combien il est difficile, dans une perspective catholique, d'évacuer ainsi le Magistère préconciliaire. On se souvient qu'au moment du concile Vatican II, le souverain pontife créa une commission chargée d'étudier les problèmes de la population, de la famille et de la natalité, notamment à propos de la contraception artificielle dont les techniques commençaient à être bien maîtrisées. On sait que la majorité de cette commission se prononça en faveur de l'usage de la contraception artificielle, sous certaines conditions, alors qu'une minorité se prononçait résolument à l'opposé (cf. en particulier Jean-Marie Paupert, Contrôle des naissances et théologie. Le dossier de Rome, Seuil, 1967 ; JeanFrançois Chiron, L'infaillibilité et son objet, Cerf, 1999, chapitre VI).

Le coeur de l'argumentation de la minorité était le suivant : «L'Église ne peut pas modifier sa réponse [concernant la contraception] parce que cette réponse est vraie.

Quoi qu'il en soit d'une formulation plus parfaite de la doctrine, ou de ses éventuelles possibilités d'évolution authentique, la doctrine elle-même ne peut pas ne pas être vraie en substance. Elle est vraie parce que l'Église catholique, fondée par le Christ pour montrer aux hommes le sûr chemin de la vie éternelle, n'a pas pu si lamentablement se tromper durant tous les siècles de son Histoire. L'Église ne peut se tromper substantiellement en enseignant une doctrine très importante concernant la foi ou les moeurs, et en la proposant, à travers tous les siècles, ou même durant un seul siècle, avec constance et insistance, comme obligation pour le salut éternel. L'Église n'a pas pu substantiellement se tromper au long de tant de siècles, et même au cours d'un seul siècle, en imposant, sous obligation grave, des fardeaux très pesants au nom de Jésus-Christ, si Jésus-Christ n'a pas de fait imposé lui-même ces fardeaux. L'Église catholique n'a pas pu, au nom de Jésus-Christ, fournir à de si nombreux fidèles, partout dans le monde, à travers tant de siècles, l'occasion d'un péché formel et d'un désastre spirituel, en raison d'une doctrine fausse promulguée au nom de JésusChrist » (Paupert, p. 89-90 ; Chiron, p. 336).

On sait que le pape Paul VI admit la force de cet argument et le suivit, contre l'avis majoritaire de la commission et au risque de surprendre des millions de prêtres et de fidèles : ce fut l'encyclique Humanae vitae.

Les opposants à la « liberté religieuse » sont persuadés, dans le même esprit, qu'il existe une contradiction entre l'enseignement préconciliaire et celui du concile ; que, dans le cadre d'une ecclésiologie catholique, cette contradiction ne peut être « dépassée » par l'élimination de l'enseignement préconciliaire ; enfin que, en vertu de l'assistance divine dont l'Église est dotée, le seul des deux enseignements contradictoires susceptible d'être vrai ne peut être que l'enseignement antérieur et constant.

C'est ce qu'exprime le texte suivant de Mgr Marcel Lefebvre : « Nous sommes obligés de choisir. Bien sûr que, dans notre époque de libéralisme, beaucoup de gens n'arrivent pas à comprendre qu'on puisse demeurer sur des positions qui paraissent des positions "retardataires", "anciennes", "moyenâgeuses", etc. C'est évident, mais la doctrine de l'Église est la doctrine de l'Église. Quand les papes ont condamné la liberté de pensée, la liberté de conscience, la liberté des cultes, ils ont expliqué pourquoi ils les condamnaient, Léon XIII a fait des encycliques très longues sur ces sujets-là. Il suffit de les lire ; et le pape Pie IX, le pape Grégoire XVI. Tout cela est basé, encore une fois, sur les principes fondamentaux de l'Église, sur le fait que l'Église est une vérité, est la seule vérité. Que voulez-vous, c'est comme ça, on y croit ou on n'y croit pas, bien sûr, mais quand on y croit on est obligé d'en tirer les conséquences. C'est pourquoi, personnellement, je ne crois pas que ces déclarations du concile qui impliquent la liberté de conscience, la liberté de pensée, la liberté de culte puissent être compatibles avec ce que les papes ont enseigné autrefois. Alors on choisit. Ou on choisit ce que les papes ont enseigné pendant des siècles, et on choisit l'Église ; ou on choisit ce que le concile a dit. Mais on ne peut pas choisir les deux à la fois, puisqu'ils sont contradictoires » (Mgr Marcel Lefebvre, conférence de presse du 15 septembre 1976, numéro spécial d'Itinéraires, « La condamnation sauvage de Mgr Lefebvre », avril 1977, p. 299).

Par cette opposition indépassable entre l'enseignement préconciliaire sur la « liberté religieuse » et l'enseignement du concile Vatican II, les catholiques sont mis aujourd'hui, selon la célèbre expression, dans « la tragique nécessité de choisir ». Le présent ouvrage ambitionne de le démontrer.

Étampes, le 22 mai 2000

AVANT-PROPOS

A l'occasion de la publication de ces objections, il n'est pas inutile de rappeler que le document sur la liberté religieuse fut le plus discuté au concile. Déjà, dans la Commission centrale préparatoire, il avait fait l'objet d'une opposition dramatique entre le cardinal Ottaviani et le cardinal Bea, et avait divisé profondément les membres de cette importante commission.

Cette doctrine nouvelle et libérale de la liberté religieuse a été l'objectif principal du concile pour beaucoup d'experts tels que le père Congar, le père Courtney Murray, le père Leclerc et bien d'autres, rejoints par les membres du Secrétariat pour l'unité des chrétiens, lequel fit de cette conception de la liberté religieuse sa charte fondamentale. Le cardinal Bea, Mgr Willebrands, Mgr de Smedt furent les grands défenseurs de cette thèse, soutenus par l'épiscopat américain et encouragés par les organismes anticatholiques, comme les B'nai-B'rith de New-York, groupe maçonnique juif, et le Conseil cecuménique des Églises de Genève.

Pour tous ces partisans de la thèse libérale, le concile se jouait sur ce sujet fondamental qui orienterait toute l'activité de l'Église d'une manière conforme à l'esprit moderne, de liberté, de neutralité des sociétés civiles, de pluralisme, de dialogue, d'oecuménisme : orientation nouvelle, contraire au passé de l'Église, ayant des conséquences incalculables de désorientation des esprits et d'anarchie dans tous les domaines.

Voici les paroles du père John Courtney Murray, l'un des promoteurs les plus efficaces du texte sur la liberté religieuse « La question de la liberté religieuse est du plus haut intérêt pour moi, à la fois en tant que théologien et en tant qu'Américain. C'est pour ainsi dire le problème américain du concile. »

Et l'on peut affirmer que pour les Nord-Américains, c'était le problème du concile.

A cet assaut en faveur de l'État libéral, agnostique, et de la liberté religieuse due à la dignité de la personne humaine, s'opposèrent courageusement un nombre important de Pères du concile, à la suite des cardinaux Ottaviani, Browne et Ruffini, ce qui contraignit le pape Paul VI à insérer quelques incises favorables à la thèse de la Tradition en faveur de l'obligation de se soumettre à la vérité et à la foi.

Le texte devenait contradictoire, mais les principes libéraux étant inscrits et admis, ce sont eux qui deviendront la Pentecôte du concile, avec toutes leurs néfastes conséquences que nous constatons depuis vingt ans.
Dieu ne change pas, la vérité non plus. Ce que l'Église a défini ou condamné solennellement et pendant des siècles ne peut changer. C'est pourquoi nous rejetons absolument cette doctrine nouvelle qui exige une société civile agnostique, comme une liberté qui est une licence de la personne humaine en matière religieuse, alors qu'elle peut tout au plus faire l'objet d'une tolérance de la part des autorités, jamais d'un droit naturel.
Étant donné notre refus absolu de cette nouvelle doctrine opposée à l'enseignement officiel de l'Église, le cardinal Ratzinger nous a engagé à présenter officiellement nos objections ; c'est ce que nous avons fait par cette rédaction des dubia ou « doutes ».
C'est un document fondamental sur cette question de vie ou de mort pour l'Église.
Les réponses de Rome feront l'objet d'une autre édition. Dès à présent, ce problème suscite de nombreux travaux dans les épiscopats, dans les revues ; il est vraiment à l'ordre du jour.
Dieu fasse que la vérité retrouve ses droits, et NotreSeigneur sa couronne royale, pour l'honneur de l'Église et le salut des âmes !

+ Marcel LEFEBvRE

Écône, le 22 mai 1987

INTRODUCTION

La déclaration conciliaire sur la liberté religieuse, Dignitatis humanae, est-elle conciliable avec la doctrine traditionnelle de l'Église ?

La question peut paraître scandaleuse, voire absurde, puisque Vatican II doit être par principe l'écho vivant, la voix actuelle de cette tradition scripturaire, patristique, magistérielle de l'Église.

Mais Vatican II a aussi voulu être l'écho des « signes des temps » (GS, 4, §1), qui sont pour l'Église autant « d'impulsions de l'Esprit » (sous-titre de GS 11) à assimiler des éléments extrinsèques à la Tradition divine : « Le problème des années soixante était d'acquérir les meilleures valeurs exprimées de deux siècles de culture `libérale". Ce sont en fait des valeurs qui, même si elles sont nées en dehors de l'Église, peuvent trouver leur place (épurées et corrigées) dans sa vision du monde. C'est ce qui a été fait » (cardinal Joseph Ratzinger, « Pourquoi la crise », entretien avec Vittorio Messori, mensuel Jésus, novembre 1984, p. 72).

L'équilibre entre la Tradition divine et ces valeurs, telles que : prise de conscience de la liberté d'action, de la dignité de la personne humaine, des valeurs salvatrices des autres religions, de la valeur d'une cité pluraliste, de l'émancipation de l'ordre juridique vis-à-vis du domaine spirituel, etc., n'a pas pu encore être trouvé, avoue le cardinal. Ces valeurs seraient-elles donc finalement incompatibles avec la vision catholique de la personne et de la cité ? La question est permise, vingt ans après la promulgation, le 7 décembre 1965, de la déclaration sur la liberté religieuse.

Pour répondre à notre première question, nous nous placerons résolument au plan des vérités immuables de la Révélation et du Magistère constant de l'Église, et des principes également immuables de l'ordre naturel.

En premier lieu, au plan de la Révélation, qui est en l'occurrence le plan de la société humaine, brille d'un vif éclat le dogme de la royauté sociale de Jésus-Christ et de la primauté de l'Église, à partir duquel les grands docteurs et la théologie scolastique, précisés par les papes du XIXème siècle, ont élaboré un corps de doctrine aussi immuable que les principes révélés dont ils sont logiquement déduits : ce corps de doctrine est connu sous les noms d'union des deux puissances, temporelle et spirituelle, et de subordination indirecte du temporel au spirituel. En conséquence, le soin de la religion (cura religionis) de l'État, c'est-à-dire son devoir de reconnaître et de favoriser la vraie religion et ses membres, découle à la fois de la fin propre de l'État, qui est le bien commun temporel de la société civile, et de sa fonction « ministérielle » à l'égard du spirituel.

Par conséquent, l'indifférentisme de l'État et de l'ordre juridique de la société civile est une erreur contre la foi, qui a été condamnée comme telle avec une constance remarquable par les papes.

En second lieu, au plan de l'ordre naturel, qui est en la matière celui de l'individu, domine le principe (rappelé par la Révélation) : « La vérité vous rendra libres ». La conséquence nécessaire en est que la liberté, que ce soit la liberté morale ou la liberté d'action, ne peut avoir d'autre fondement que la vérité. C'est encore ce que les papes, Léon XIII et Pie XII en particulier, ont enseigné.

Ces vérités immuables, un certain libéralisme évolutionniste a tenté de les éclipser en bâtissant une théologie de l'évolution historique de la doctrine, fondée sur un relativisme historique de cette doctrine.

Selon cette théorie, on peut toujours assigner à un enseignement de l'Église, particulièrement à sa doctrine politique, un conditionnement historique essentiel, dû à l'époque où cette doctrine a été élaborée et dispensée.

La conséquence en est que, un « ciel historique » nouveau succédant à un autre, la doctrine de l'Eglise est condamnée à changer pour se fonder sur des bases nouvelles. C'est ainsi que la liberté religieuse condamnée par les papes du XIXe siècle à cause de ses prémisses du libéralisme absolu et du rationalisme, devrait être maintenant réhabilitée au nom de la « dignité humaine ». C'est ainsi également que les rapports entre le temporel et le spirituel doivent être révisés, à une époque où la monarchie de type « sacral » du Moyen Âge et du temps de la Réforme a fait place à « l'État démocratique et social » contemporain.

Mais, outre que la condamnation de la liberté religieuse au XIXe siècle fut motivée par son opposition intrinsèque à la doctrine immuable dont nous avons parlé, l'allégation d'un « changement de fondement » pour justifier un changement de doctrine tombe à plein sous là condamnation de Pie XII « A cela s'ajoute un faux historicisme qui, s'attachant aux seuls événements de la vie humaine, renverse les fondements de toute vérité et de toute loi absolue en ce qui concerne tant la philosophie que les dogmes chrétiens eux-mêmes » (Humani generis Documents 1950 p. 303).

Il convenait, pour asseoir la portée de nos doutes, d'analyser de plus près les « fondements » divers que Dignitatis humanae a donnés à la liberté religieuse.
Nous avons été amené à dévoiler nombre d'équivoques et de confusions, telles que :

- - confusion entre la dignité ontologique de la per sonne humaine et sa dignité opérative

- - passage indu des « droits subjectifs » de la personne à des « droits objectifs »

- - hiatus posé entre les « droites affirmatifs » et les « droits négatifs » de la personne ;

- - Fausse symétrie introduite entre la faculté de ne pas être obligé et celle de ne pas être empêché d’agir contre sa conscience en matières religieuse, etc..

Il conviendrait aussi de mettre en valeur, plus que nous l’avons fait, la contradiction qui semble exprimée par Dignitatis humanae entre l’affirmation que la personne est essentiellement reliée à Dieu et à sa loi (et passible par conséquent de contraintes divines), et l’affirmation de « l’immunité de la personne humaine vis-à-vis de toute contrainte de la part de quelque pouvoir humain que ce soit » : la loi divine et ses contraintes ne doivent-elles pas être appliquées et précisées par les lois humaines ?

Enfin, nous nous sommes efforcé de démontrer méthodiquement l'identité formelle qui nous semble exister point par point entre trois propositions de Dignitatis humanae et trois propositions parallèles condamnées par lencyclique Quanta cura de Pie IX. Si, comme nous avons cherché à l’expliquer, la condamnation portée par Quanta cura sur les trois énoncés en question est infaillible, il s’ensuite des questions bien angoissantes auxquels l’Eglise devra répondre.

La première partie de notre étude consiste en une exposition philosophique succinte de la notion de liberté, préalable nécessaire à toute examen de la notion de liberté religieuse.

La deuxième partie expose les principes théologiques, doctrinaux et dogmatiques de la doctrine traditionnelle de l'Église sur la liberté religieuse, tels qu'ils ressortent des documents du Magistère.

La troisième partie, enfin, est constituée d'une série de « doutes » et d'interrogations sur le document Dignitatis humanae du concile Vatican II. Ils reprennent, de manière ordonnée, les thèmes abordés dans les deux parties précédentes, en posant les questions que suscitent de nombreux passage du texte conciliaire.

(A suivre.....)
Bénédicte LIOGIER
Citation de l’article ci-dessus :
Tant qu'on esquive la question centrale de la vérité, le débat sur la notion de "liberté religieuse" n'existe tout simplement pas.
***

C’est très juste.
C’est soit la vérité, soit l’arbitraire de l’homme, châtiment de Dieu.
C’est soit la vérité, soit la loi du plus fort et le loup qui mange les agneaux.
C’est soit la vérité, lumière de notre intelligence …Plus
Citation de l’article ci-dessus :
Tant qu'on esquive la question centrale de la vérité, le débat sur la notion de "liberté religieuse" n'existe tout simplement pas.

***


C’est très juste.
C’est soit la vérité, soit l’arbitraire de l’homme, châtiment de Dieu.
C’est soit la vérité, soit la loi du plus fort et le loup qui mange les agneaux.
C’est soit la vérité, lumière de notre intelligence, soit l’aveuglement intellectuel.
C’est soit la vérité, fin naturelle de l’intelligence, soit les erreurs qui violentent cette orientation naturelle.
C’est soit la vraie religion, la vie et le Ciel, soit la fausse religion, la mort et l’enfer éternel.

***

Il faudrait poser la question ainsi :
Voulez-vous être soumis à la vérité et à la justice ou à l’arbitraire et à la loi du plus fort.
Voulez-vous être voyant ou aveugle, respecté ou violenté.
Voulez-vous être éternellement heureux ou malheureux.

***

Louis Veuillot, cité par la revue Le Sel de la terre :
Quand l’insolence de l’homme a obstinément rejeté Dieu, Dieu lui dit enfin "Que ta volonté soit faite !" Et le dernier fléau est lâché. Ce n’est pas la famine, ce n’est pas la peste, ce n’est pas la mort : c’est l’homme. Lorsque l’homme est livré à l’homme, alors on peut dire qu’on connaît la colère de Dieu.
Marie-Pierre Jeanine THIERY partage ceci
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AveMaria44
Il faut choisir : la Fraternité saint Pie X, ou la Fraternité saint Paul VI, avec "Mgr" Huonder, promoteur du "dies judaïcus".....Le Saint Esprit peut-il se contredire ? Le pape peut-il promouvoir une nouvelle religion ?
QuisutDeu7
Lettre de Sa Sainteté Grégoire IX à saint Louis:
"Et comme autrefois Il préféra la tribu de Juda à celles des autres fils de Jacob et comme Il la gratifia de bénédictions spéciales, ainsi Il choisit la France, de préférence à toutes les autres nations de la terre, pour la protection de la foi catholique et pour la défense de la liberté religieuse. Pour ce motif, la France est le Royaume de …Plus
Lettre de Sa Sainteté Grégoire IX à saint Louis:
"Et comme autrefois Il préféra la tribu de Juda à celles des autres fils de Jacob et comme Il la gratifia de bénédictions spéciales, ainsi Il choisit la France, de préférence à toutes les autres nations de la terre, pour la protection de la foi catholique et pour la défense de la liberté religieuse. Pour ce motif, la France est le Royaume de Dieu même, les ennemis de la France sont les ennemis du Christ."